La valeur de la traduction?

Je raconte l’histoire parce qu’on parle de plus en plus de nos jours de charger selon la valeur du service offert, plutôt qu’à l’heure, et que je me suis pas mal interrogée la semaine dernière sur la valeur perçue de mon travail.

La semaine dernière, donc, je reçois un très court mandat de révision. La révision me prend
35 minutes. Sur la facture, je charge une heure. Le client (un cabinet de traduction, soit dit en passant, donc un client qui devrait pourtant se faire le défenseur de la valeur de la traduction/révision) me revient en me disant «je t’ai envoyé le mandat il y a 45 minutes, comment peux-tu justifier de me charger une heure?» Je lui réponds que c’est ma politique de charger un minimum d’une heure pour tout mandat.

En chargeant pour une heure plutôt que pour 35 minutes, on ne parle pas ici d’une différence de centaines ou de milliers de dollars à la facturation, on parle d’une vingtaine de dollars. Littéralement, il a fallu que je m’astine pour une vingtaine de dollars.

Dans mon expérience à moi, la traduction est une activité hyper sous-évaluée. Pourtant, non seulement je travaille fort pour produire des textes le plus impeccable possible, mais quand je traduis ou révise un texte, par les questions que je pose au client, je l’amène souvent à corriger le texte anglais, à y enlever fautes de frappe, ambiguïtés, incohérences, etc., et donc à s’éviter des erreurs qui pourraient lui être coûteuses (et on parle de traduction médicale ici). Il y a donc à mon avis valeur ajoutée (le texte anglais n’est pas de ma responsabilité, sauf si le client demande spécifiquement à ce que je le corrige, ce qui n’arrive jamais. Et la grande majorité des traducteurs que je connais offrent aussi cette valeur ajoutée.)

J’ai des clients qui voient la valeur de mon travail, mais qui sauteraient quand même au plafond si tout à coup je chargeais à la valeur plutôt qu’au mot ou à l’heure. Même si on sent un vent de changement en général dans bien d’autres industries à ce niveau, j’ai comme l’impression qu’on a mauditement du chemin à faire dans le monde de la traduction pour être vus comme autre chose que de simples «photocopieurs bilingues». Surtout que beaucoup de gens, à cause de la traduction machine (Google Translate, DeepL Translator, etc.), croient que les traducteurs sont une espèce en voie de disparition, et que notre travail est «facile».

J’aimerais bien avoir votre son de cloche là-dessus – surtout de la part de ceux et celles qui font aussi de la traduction.

J’ai lu Double ta valeur, en passant, et je l’ai a-do-ré, mais pour passer de la théorie à la pratique dans le monde de la traduction, je trouve que je manque de stratégies, parce qu’il faut vraiment changer profondément les mentalités et croyances de nos clients. :persevere: (Traducteurs de tous les pays, unissez-vous!)

Et s’il est facile de charger à la valeur quand elle se traduit directement par des $$ de plus dans les poches du client, comment établir la valeur dans le cas contraire, c’est-à-dire quand un travail bien fait pourrait éviter des dépenses supplémentaires (potentielles mais souvent difficiles à estimer) au client?

Bonjour Denise,
Dans la majorité des domaines, il y a un tarif minimum à la facturation. En droit, un avocat loge un appel, il facture une heure, au garage, si le temps estimé est de 1 heure, mais que le mécano prend 45 minutes, il va charger une heure, un réparateur d’électroménager va charger minimum une heure, peu importe le temps de la réparation… Donc, je crois que c’est justifié de votre part de lui avoir facturé 1 heure. En plus, vous auriez pu attendre 60 minutes avant de lui retourner et il n’aurait rien dit, donc selon moi il s’obstine pour s’obstiner…

Je crois que le problème en est simplement un de communication et de gestion des attentes.

Le problème n’est pas ton prix, le problème est que le client a été surpris.

Maintenant en ce qui concerne la valeur de la traduction, je crois de te pencher sur une meilleure façon de communiquer la valeur de tes services va t’aider à closer des clients plus payants, mais ce n’est pas le problème que je vois dans l’histoire que tu nous partage.

La personne qui a accroché sur le montant… C’est l’entrepreneur ou un employé?

C’est un des coordonnateurs qui a accroché. Il a fini par accepter, par contre. C’est vrai que je n’avais pas communiqué cette politique de façon claire à ce client particulier. Je ne sais pas pourquoi, d’ailleurs. Je la communique à tous les autres clients.

La valeur de la traduction est une question très «touchy», très délicate. Avec la mondialisation, l’arrivée d’outils de traduction (logiciels de mémoire de traduction) et le perfectionnement de la traduction machine (Google Translate, etc.), le marché a chuté dans les dernières années. J’ai commencé la traduction il y a 25 ans (yikes!), et sur 25 ans, les tarifs n’ont jamais augmenté. Dans les dernières années, ils ont en fait légèrement baissé, pour toutes les raisons que je mentionne. On a un gros problème d’image, je pense. Je travaille fort pour changer les choses avec mes clients, et j’en ai certains qui apprécient la valeur ajoutée (ce sont ceux qui paient sans discuter).

J’ai peut-être une vision négative ou restreinte de la chose, mais pour moi, il y a les clients qui acceptent les tarifs sans broncher et il y a les clients qui négocient constamment des baisses. Je ne sais pas comment définir les clients «plus payants», du moins en terme d’argent. :thinking::thinking::thinking:

Pour moi, les clients que j’aime le plus sont ceux qui me donnent des projets intéressants (le plaisir compte aussi, et au quotidien, j’en fais quand même assez souvent des projets “plates/répétitifs” alors quand j’ai un projet plus alléchant, je me préoccupe moins de l’aspect financier) et avec qui il s’établit une véritable collaboration, un partenariat. J’y trouve mon compte pas mal plus qu’avec les clients qui paient mais qui gardent leur distance.

Merci pour ta réponse, ça m’éclaire!